Le Musée du Cinéma Henri Langlois

Depuis son adolescence, Henri Langlois avait une idée fixe : créer le premier et plus grand musée du Cinéma du monde. Sa passion, sa persévérance, et beaucoup d’alliés lui permirent de réunir bon nombre des trésors qu’il lui destinait et, en 1972, sous la forme d’une exposition au Palais de Chaillot et sous le titre Trois quarts de siècle de cinéma mondial, il inaugure son musée du Cinéma.

Il y met en scène une approche chronologique de l’histoire du film, conçue comme un grand décor, sans cloisonnement des sections et sans cartons didactiques. Dans son musée, Langlois privilégie l’évocation, la sensation, l’atmosphère au discours intellectuel, afin d’inciter chacun à saisir ce qui est pour lui l’essence du 7e art. Une collection exceptionnelle de photographies, affiches, documents techniques, machineries, costumes, décors s’y côtoient.

Avec peu de moyens (officiellement l’Etat soutient la création du musée, mais ne le finance pas complètement), Langlois est obligé de “bricoler” comme il peut, et est retrouvé bien souvent au matin endormi dans les escaliers de son musée. Il peut heureusement compter sur le soutien précieux de nombre de ses collaborateur.ices, notamment Lotte Eisner, Mary Meerson et Mary Epstein. Cette aventure titanesque sera un succès. Les différents ministres de la culture tomberont successivement amoureux de ce musée du Cinéma, et il y aura plusieurs inaugurations : à sa création en 1972 par le ministre des Affaires Culturelles Jacques Duhamel ; lors de la réouvertures des salles permanentes en 1975 par Michel Guy, secrétaire d’état à la Culture ; en 1980, lorsque le Musée sera renomé Musée du Cinéma Henri-Langlois sous l’impulsion de Jacques Flaud, président de la Cinémathèque.

Le musée se dégrade malheureusement vite après la mort d’Henri Langlois, car il demandait un entretien très important et n’avait pas été conçu pour une exposition permanente. Lotte Eisner demande alors au ministre Jack Lang une restauration des locaux et des collections. Le projet de Jack Lang est de transférer une version restaurée et agrandie du musée du Cinéma dans les bâtiments du Palais de Tokyo, qui accueillerait aussi les locaux de la Fémis, la Cinémathèque et deux salles de projection. Ce transfert impliquerait des modifications au musée originel d’Henri Langlois, et querelles et polémiques vont s’ensuivre, dès 1990, entre l’Etat, la direction de la Cinémathèque, et les défenseurs de l’œuvre d’Henri Langlois.

En 1994, un comité de défense du Musée du Cinéma Henri-Langlois est créé. En 1995, après avoir fait constater par huissier de justice la suppression de plusieurs salles du musée, ce comité s’oppose au démantèlement et au transfert du musée au Palais de Tokyo. Ces évènements sont abondamment relayés par la presse. “Une deuxième affaire Langlois ?” titre notamment le 10 mars 1995 le journal Le Film Français.

 En juin 1997, les ayant-droits acceptent néanmoins le transfert du musée “sous réserve que l’esprit n’en soit pas altéré“. L’empaquetage est prévu pour le mois d’août. Mais dans la nuit du 22 au 23 juillet, un incendie ravage la toiture du Palais de Chaillot, le musée est inondé par les pompiers. L’ensemble du personnel participe au sauvetage des collections, qui seront préservées. La structure du musée, ainsi que la salle de projection, sont néanmoins détruites. “La Cinémathèque et le Musée Langlois ont dû plier bagage plus vite que prévu et les travaux de réaménagement du musée, contestés, sont désormais indispensables” titrera Le Monde au mois de janvier.

Dans cet intervalle, les avocats du Comité de défense, de l’AHL et des ayants-droits d’Henri Langlois (ses neveux Hugues et Jean-Louis), font intervenir la question du droit d’auteur en matière de muséologie. Le 2 octobre 1997, la chambre d’appel de la cour de Paris reconnaît le Musée du Cinéma Henri Langlois comme une “œuvre de l’esprit“. Il est donc inchangeable sans la consultation préalable de l’Association. Mais si la cour d’appel a reconnu la légitime existence du Musée, il est de fait que celui-ci n’existe plus. Les collections sauvées suite à l’incendie de Chaillot ont en effet été divisées dans des caisses, réparties dans différents entrepôts parisiens.

En janvier 1998, sur décision de la ministre de la Culture Catherine Trautmann, le projet du transfet au Palais de Tokyo est abandonné, provoquant la colère de plusieurs cinéastes. On compte parmi eux Claude Berri, Jean Rouch, Jean-Charles Tacchella, Jean-Claude Carrière, Alain Corneau, Laurent Heynemann. C’est finalement l’ancien American Center, rue de Bercy, qui sera acheté par l’Etat pour y abriter la nouvelle Cinémathèque Française. Elle sera inaugurée le 26 septembre 2005. Une partie des collections du Musée du Cinéma ont été réorganisés au sein de l’exposition permanente Passion cinéma.

Bibliographie : Catalogue raisonné du Musée du Cinéma Henri-Langlois par Huguette Marquand Ferreux, Trois tomes, Ed. Maeght Editeur, en collaboration avec la Cinémathèque française, 1991.

Crédit photos : Hugues Langlois, Musée du Cinéma Henri Langlois. Tous droits réservés.